Les Images racontent des histoires. Éléments de séries qui appellent d'autres commentaires, d'autres pistes. Instants parfois anciens, montrés avec du temps, avec l'envie seulement de parler du temps qui passe. Et puis des mots écrits et montrés, des expériences. Le temps, même aujourd'hui, à la seconde, là, il passe quand même, il fait récit. Il n'y a pas de nostalgie possible. Cette curieuse envie d'une urgence à prendre son temps pour, aujourd'hui même, regarder. JLK

mercredi 7 janvier 2015

Je suis Charlie


Ce soir ici, il y avait du monde en silence sur la place.
Tenir, c'est continuer, nos métiers, nos travaux, être en république, tenir la république ensemble. Parce que comme certains que j'ai croisés ce soir l'impression d'être attaqués dans sa propre chair, pas seulement à cause de cette familiarité des lectures plus ou moins anciennes ou nombreuses, parce qu'à midi telle jeune collègue accrochée à son écran s'inquiétait  à distance de ce que lui écrivait en direct une de ses amies de savoir si son père était touché, puis blessé et juste après savoir sa mort, parce que tel ami plus âgé décale un rendez-vous en me disant lui aussi bouleversé dans son appel qu'il connaissait untel depuis si longtemps, sa mort et que forcément à cette heure-ci il sera bien sur la place pour eux tous, alors ensuite le croiser ici, parce que telle amie croisée sur cette place ce soir se demandait après avoir avoué ses pleurs juste à l'annonce de la tuerie s'il ne fallait pas titrer comme eux un hommage du genre "'bal tragique à ...", à cause de cette liberté là, d'un rire soudain partagé pour eux,  parce que les cheveux blonds et les longues jambes traînantes du grand éperdu de Cabu, de son Beauf aussi, tellement connard à l'aimer quand même, parce que telle autre embrassée juste avant me dit tu sais jeune j'étais à Alger il y a vingt ans alors l'impression que ça recommence, que ça revient, ses yeux humides, sa tension retenue à me le dire, mais en même temps à cause encore des rires et de l'ironie magnifique des culs de Wolinski, parce que ce souvenir des rires qui relie, des coups de gueule de Maris si récemment entendu sur les ondes, parce qu'elle autre cette collègue cette amie avait tant de mal à se remettre à notre réunion, sa retenue évidente des larmes, parce que je devinais en elle tout ce que nous pensions tous ensemble mais en même temps ce qu'elle sait si intimement de l'islam en Tunisie et de ce qui en est possible de bon de bien, vraiment,  en ces jours tout de même là-bas justement, parce qu'ayant le privilège de la présider cette réunion, où tous choqués pareils,  j'ai du commencer à 14 heures en nous invitant à faire ce qu'il fallait faire, continuer le travail, parce que cette aventure du projet et de la connaissance dont nous débattions est justement au fond, sans qu'on se le dise sûrement assez, justement pas assez, n'est pas autre chose que la démocratie, parce qu'alors j'ai pu parler tout simplement de la république, parce qu'avec une élue j'ai partagé aussi ce "qu'est-ce qu'il faut faire", parce que nous étions peut-être cent mille ce soir sur les places mais tellement plus dans les cœurs et les têtes à dire et se dire, se penser et  penser et faire toutes ces choses différentes mais égales, parce que nous pensions à eux mais à nous tous aussi, à ce qu'il faut faire ensemble

Nos métiers, nos travaux, être en république, être démocrates.
Tenir, c'est continuer

Nantes, Place Royale, 7 janvier 2015, 19h...

Instants sombres ou réfléchis

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