Les Images racontent des histoires. Éléments de séries qui appellent d'autres commentaires, d'autres pistes. Instants parfois anciens, montrés avec du temps, avec l'envie seulement de parler du temps qui passe. Et puis des mots écrits et montrés, des expériences. Le temps, même aujourd'hui, à la seconde, là, il passe quand même, il fait récit. Il n'y a pas de nostalgie possible. Cette curieuse envie d'une urgence à prendre son temps pour, aujourd'hui même, regarder. JLK

dimanche 22 février 2015

COPENHAGUE


Facebook, 16 février

Aujourd'hui est un jour ordinaire. A Copenhague quelques uns d'entre nous ont donc été tués par quelques uns d'entre nous. Parce que si l'on raisonne seulement d'un point de vue objectif, statistique, moyen, que sais-je encore, le nombre de morts données ne sera pas beaucoup modifié par les attentats au Danemark... C'est ordinaire.
Pour beaucoup d'entre nous quand même la mort donnée est insupportable, quelle qu'elle soit, d'où qu'elle vienne. Je n'arrive pas à hiérarchiser les morts données.
Pourtant, malgré tout, celle-ci sans doute me touchent plus encore. À cause du racisme, de la négation de la parole libre, de toute parole libre, de la récurrence aussi en ce début d'année. Ce qui n'est pas si ordinaire.
Un ami me disait ici voilà peu que nous ne pouvions pas être tous les malheurs du monde comme nous avons été Charlie. C'est vrai.
Mais ne pas accepter ces morts données en particulier, ne pas accepter la mort donnée en général, se dire de là où nous sommes que la pensée doit continuer son cours, sans indulgence aucune ni compromission.
Hier j'étais à Nantes à observer "l'irreprésentable" dans une forte exposition au Hangar à Bananes. Jean-Jacques Lebel y propose ce terrible "Labyrinthe" des scènes de tortures américaines en Irak. Photos connues bien sûr, vues et revues avec horreur mais ici dans toute leur violence, à cause de l'échelle, de la proximité dure des tirages autour de soi.
Il s'agit de la même chose.
Nous serons pas toutes les douleurs mais nous le sommes un peu tout de même à chaque fois.
Nous ne serons pas toutes les violences non plus. Peut-être même me répondra-t-on que nous ne le serons jamais ? Sauf que... ces morts données tous les jours, ces quelques secondes d'émotion à chaque info, si courtes ? Et ensuite ? Serions-nous un peu de ces violences là, comme de honteux complices ?
Ne pas se faire jamais à la violence.
Il s'agit de la même chose.
De plus en plus convaincu ce soir que, sans se mortifier pour autant, le réflexe d'extériorisation absolue de ce qui fâche ne va pas.
Ce n'est pas l'islam dit-on. En effet, ce n'est pas TOUT l'islam. Tout comme certains mauvais coups des chrétiens ( et Dieu qu'il y en a eu!) ne sont pas TOUT le christianisme. Tout comme bien des erreurs des républiques ne sont pas LA république.
Au fait elle était quoi l'américaine en Irak ?
Voilà.
Dire "il sagit de la même chose" ce n'est pas tout mettre dans le même sac et s'en défaire facilement.
De belles voix s'élèvent aujourd'hui bien haut pour travailler à l'éclaircissement de l'intérieur même de la religion en islam. Reconnaître que ce chemin là beaucoup, tellement, l'on fait en christianisme. À bien réfléchir se demander si précisément ce dernier chemin n'a pas été possible à cause non seulement de l'exigence de laïcité mais aussi de l'esprit de laïcité qui nous habite ici en Europe depuis si longtemps ? Relire voilà quelques jours le Roman de Renard, version non expurgée, et se dire que laïcité et blasphème font un foutu ménage avec la religion ici depuis bientôt mille ans.
Mais avoir lu voilà quelque temps des poèmes arabes libertins et se dire à peu près la même chose !
Qu'est ce qui a été raté là, ici, ailleurs? Qu'est-ce que nous raterions aujourd'hui à nouveau ?
Ne pas se faire à l'ordinaire jamais.
Ne pas se faire à la mort donnée jamais.
Essayer de sa place à être soi/les-autres... sinon pourquoi "je suis Charlie"?
Essayer de sa place à penser cela, ce soi/les-autres, ce serait sans doute aussi se demander ce qui est sa part de violence.
Essayer cela, de ne pas l'être pour le coup.

Instants sombres ou réfléchis

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire